mercredi 25 mai 2011

Gogol Bordello ON TOUR

Quand on dit que tout a été fait en musique, on se met le doigt dans l'oeil - ou plutôt : dans l'oreille. Et profondément.
Au milieu de toute cette soupe fadasse que l'on entend à longueur de journée, il y a une autre (musique) alternative, plus libre, plus forte, plus chaotique. Il y a ces légendes auxquelles on rêve comme d'un eldorado comme feu la Mano Negra pour ne citer qu'eux -
Et puis, il y a GOGOL BORDELLO.

Né à la fin des années 90 à New York, le groupe sort son 1er album alors que je souffle mes 9 bougies sur un mauvais gateau à la crème en dansant sur de la mauvaise pop (vous voyez TRES BIEN de qui et de quoi je parle)
La formation s'articule autour d'Eugène Hutz, leader ultra charismatique s'il en est et non moins moustachu que le célèbre auteur ukrainien Nikolai Gogol auquel le combo entend rendre hommage en lui empruntant son nom. Il est accompagné par les fidèles Sergey Ryabstev au violon et Yuri Lemeshev à l'accordéon. Ces trois là, originaires d'Europe de l'Est, seront rejoints petit à petit par d'autres, toutes nationalités confondues, allants et venants, continuant à faire tourner la machine, toujours prêts à faire la fête, et partageant cette énergie rare non stop depuis plus de 10 ans. Aujourd'hui, on compte dans les rangs Elizabeth Sun (percussions, chant), Thomas Gobena (basse), Oren Kaplan (guitare), Pedro Erazo (MC, percussions) et Oliver Charles ( batterie).


De ce melting pot culturel est né le gypsy punk, véritable brassage ethnique, résultat d'un mélange des influences tsiganes et de la tradition punk dans une sorte de cabaret itinérant et joyeusement festif, citant pèle-mêle la Mano Negra et the Clash, Fugazi et Jimi Hendrix. Une musique à l'image du groupe, cosmopolite, en perpétuel mouvement, où tout est possible. Et ne pas le croire serait une erreur. La preuve en est avec Transcontinental Hustle - littéralement "La bousculade trans-continentale" Cinquième et dernier album à ce jour de Gogol Bordello, il ajoute à cette base déjà bien solide de nouvelles sonorités plus latines inspirées de la culture sud-américaine et notamment du Brésil. Cette quête de cultures et d'influences qui font de ce que nous sommes qui nous sommes : étrangers, immigrants, heureux, pauvres, ivres, amoureux... une matière inépuisable.

 

Chroniques.
Automne 2005 : première approche.
Au delà du bijou cinématographique qu'est "Tout est illuminé" (de Liev Schreiber) ce Mercredi-ciné-entre-potes-un-brin-pluvieux aura eu le mérite d'enrichir notre playlist-de-l'année du désormais classique "Start wearing purple" issu de la bande son, qui nous aura donné une grande claque et apporté un nom qu'on est pas prêt d'oublier : GOGOL BORDELLO.
Mais le monde continue de tourner. Et ma jeunesse continue d'ignorer la folie qui agite les bars undergrounds de New York, et même déjà un peu plus.

Printemps 2010
... et ils sont de retour en France. On s'est enfin réveillés! Et cette fois çi, sans réfléchir, je prends ma place et j'embarque Jeanne, fidèle collègue de concerts improvisés, pour un aller retour Bordeaux/Toulouse en moins de 12h dans un road trip qui n'est toujours pas fini avec un duo frère/soeur aussi frappadingues que nous (merci covoiturage.fr, merci Max&Céline)
On a eu le temps de réécouter 471 fois Super Taranta et Gypsy Punk : Underdog World Strike pour se mettre dans l'ambiance "Casa Gogol Tour" qui ne porte pas mal son nom... Comme à la maison. On se pointe sans le vouloir avec beaucoup d'avance ce qui nous vaudra de croiser Eugène rodant sur le parking désert, ou de voir Yuri et Oren s'échanger un frisbee... Ambiance...
Les Mariachi El Bronx, encostumés, assureront la première partie - prenant la relève des excellents Forro in the dark bien trop rares en Europe - avant de laisser la scène à la Familia Undestructable...
Et c'est là que toute la puissance de Gogol Bordello s'exprime, explose : la conquête du public se fait par la scène. Leur énergie se transmet partout autour de nous, en nous. Le public est chaud et son coeur fusionne. Et c'est une transe partagée pendant plus de deux heures. Parce que c'est ce qu'ils font de mieux, parce que c'est ce qu'ils sont : un show débordant, furieux, optimiste.




Et lorsque les lumières se rallument, à l'issu de cette première confrontation, on est heureux.
Vidés, lessivés, fatigués, mais heureux - et légèrement accro.
Often you will hear people talking about a concert they've experienced for years! Why? In Gypsy mythology they say it is memorable because the devil visited that room; others say the other guy was there. But one way or another they all link it to supernatural... - Eugène Hutz
Décembre 2010.
On n'aura pas attendu longtemps, pas fou - ou si, justement - avant de retourner s'y frotter. Mais cette fois çi, nouveau décor : la Cigale.

La salle est archie pleine, on est en retard, on attrape au vol Devotchka qui assure vraiment en première partie, clôturant avec How it Ends, évidemment. On abandonne manteaux, bonnets et l'hiver tout entier derrière nous pour se frayer un chemin dans la fosse qui s'agite. Pile quand les lumière s'éteignent. Les trente premières secondes du tout premier morceau font voler notre belle (ré)union de copains en morceaux et force ma sœur à s'exiler. Le ton est donné.


Il y a quelque chose de tribal, de primitif quand on se retrouve là, au milieu. Eugène Hutz compare la scène à une place forte qu'il faut prendre d'assaut. Le lieu où tout se passe : "le rock'n roll est une cérémonie" : le public communie en cœur ce qui est un peu plus que de l'affection à ce stade, à en juger par le défilé incessant de fans qui se hissent sur scène. On oublie tout à ce moment là, on est ailleurs.. Il n'y a que de la spontanéité et folles bousculades arrosées d'un bon litre de vin rouge qui tâche.
Et le public, comme toujours, en redemande.


Téléportée en backstage sur un grand coup de chance, je me retrouve à débrieffer le concert avec Thomas autour d'un verre de coca dans un mix rigolo d'anglais et de français pendant que Pedro prend la pose, qu'Eugène cherche un tire-bouchon, ou qu'Eliza trinque avec Devotchka. Mais l'heure tourne et il faut rentrer. Maudit métro parisien. Saleté d'hiver.
Partir avec la promesse de se retrouver. Bientôt.



Mars 2011 // on tour with.
... et après quelques mois, je débarque comme une fleur à Porto, Portugal, pour trois jours avec eux, et deux concerts. On se retrouve à faire connaissance autour d'un café, d'un plat d'octopus, d'une nouvelle paire de chaussettes, d'une tournée de caipirinhas, sur une aire d'autoroute, ou que sais je encore. Tout est simple comme bonjour tandis que je répète en boucle "obrigado". Je travaille mon anglais en m'interrogeant sur leur inspirations du moment : musique, cinéma, littérature, voyages... et finalement, fait très peu de photos.


J'avouerai que je n'étais pas très à l'aise, débarquée au beau milieu des backstages, à pouvoir observer comme une petite souris à la fois perdue et fascinée par toute cette agitation, ce monde grouillant qui grandit en coulisses, organisation que l'on devine mais que l'on ne voit jamais. Je reste impressionnée par le travail du crew, bien rodé - Swax, Ray, Franck parmi tant d'autres - passionnés par leur boulot, les roadies et le staff des salles.
J'étais un courant d'air, passant de droite à gauche, au rythme des balances.



Et justement, assister aux balances, c'était aussi appréhender leur musique d'une autre façon, celle du travail. Et on voit le groupe évoluer, à l'écoute. C'est autre chose. La multiplication des instruments sous entendu une multitude de couches sonores, musicales et vocales, avec lesquelles on peut travailler sur des nuances et des arrangements... Et découvrir avec surprise qu'au son de la cuica de Pedro, la version samba d'American Wedding réjouit les foules.
The language barrier in the context of music does not exist. And majority of power is contained in fingers of a player and in the tone of his/her voice. This is why the emotional message of music is so instant and human. That's why the voice of Johnny Cash or Vladimir Visotsky goes unstoppably through anything to anyone, and meaning of music stands up in its full pride. Of course, lyrical content of a song may take it much higher, but not knowing English never stopped millions around the world (including myself) from growing up on rock 'n roll. - Eugène Hutz

Et puis, il y a ces quelques instants avant de monter sur scène. Se retrouver de l'autre coté et de sentir l'attente du public qui retient son souffle à la fin de chaque morceau et qui se libère soudain lorsque la salle se retrouve plongée dans l'obscurité : "ça y est, ils arrivent" On s'en souvient, on y était nous aussi. Impatients. Cette même électricité partout, se retrouve dans chacun des pas, des gestes et des mots du groupe. Impatients.

Et chacun des concerts, entrecoupés d'un nombre incalculable d'heures passés à avaler des kilomètres - par bus ou par avion - et de trop rares heures de sommeil, est l'occasion d'une nouvelle fête partagée avec un public d'aficionados et de curieux, toujours plus nombreux. Les classiques "Immigrant Punk", "Wonderlust King", "Ultimate", ... directement taillés pour la scène, se mélangent aux rythmes de Transcontinental Hustle, parfois plus intimiste comme "Sun is on my side" ou "When universes collide"... Et on est alors bien loin de la "world-music" sur-vendue et diffusée en masse dans tout les Starbucks de la planète. On touche au coeur sauvage, à la force de la musique, authentique : le collectif, libre pensant, suggère une ouverture sur le monde qui nous entoure.



Pour tout vous dire, je les ai vus 5 fois en un an et je ne m'en lasse pas. En somme, Gogol, c'est un bordel qui a enfin un nom, un son et quelques visages, un joyeux foutoir qui sent la transpiration et la bière et qui a la capacité de rendre heureux quiconque se laissera embarquer à bord.




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Prochaines étapes en France cet été :
* Festival du Chien à Plumes : 5 Aout, Langres (52)
* Festival Eccausystème : 6 Aout, Gignac (46)
* Festival du Bout du Monde :7 Aout, Crozon (29)


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Discographie :
  • Voi-La Intruder – 1999
  • Multi Kontra Culti vs. Irony - 2002
  • Gypsy Punks: Underdog World Strike - 2005/2006
  • East infection, 2005
  • Super Taranta! - 2007
  • Live from Axis Mundi - 2009 (Live album with DVD)
  • Trans-Continental Hustle - 2010

Filmographie :
"Everything is illuminated", Liev Schreiber, 2005.
"The pied piper of Hutzovina", Pavla Fleischer, 2006.
"Filth and Wisdom", Madonna, 2008.
"Gogol Bordello Non Stop", 2008.
à noter qu'en 2006 est réalisé "Wristcutters : a love story" , dont l'un des personnages se base sur Eugène Hutz.

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