La galerie du Jeu de Paume, à Paris, consacre une rétrospective - la première en France - à Diane Arbus, figure majeure de la photographie américaine, et l'une des premières à avoir attiré mon attention sur le monde de la photographie.
Diane Arbus, de son vrai nom Diane Nemerov est née à New York le 14 Mars 1923. Elle est l'une des rares photographes féminines connue et reconnue pour son travail, empli d'humanité, à la fois doux et dur, marqué par l'opposition entre son regard, jamais juge, sur la différence et les expressions de ses modèles. Une poésie urbaine en noir et blanc fascinante, le portrait d'une génération, de tout un pays, à travers ceux qui la composent et que l'on ne veut pas voir.
Elle vit une enfance protégée dans une riche famille bourgeoise juive, qu'elle qualifie elle même d'irréelle et douloureuse. A 14 ans,elle rencontre son futur mari, Allan Arbus, qui partagera avec elle sa passion naissante pour la photographie, qu'elle apprend auprès de Berenice Abbott au début des années 40. Quelques années plus tard, le couple ouvre un studio de photo de mode. En réalité, c‘est Allan qui prend les photos, et Diane tient le rôle de styliste, et démarche auprès des agences, allant d'Esquire au Sunday Times, en passant par Nova, Vogue, Glamour ou encore Harper’s Bazaar’s. Elle y rencontre alors Alexei Brodovitch (directeur artistique), et Richard Avedon (photographe).
Ses premières photos personnelles ne datent que de 1957. Sa première photo, un autoportrait d‘elle, nue et enceinte, avait d‘ailleurs fait scandale. Elle s'extrait peu à peu du duo qu'elle formait avec son mari au profit de son inspiration. Le couple se sépare en 1959. Elle étudie alors la photographie à la New School de New York avec Marvin Israel (ancien directeur artistique d’Harper’s Bazaar et peintre) où elle retrouve Richard Avedon, et elle y rencontrera par la suite Lisette Model - qui deviendra sa confidente et sa référence/influence photographique. Avec eux, elle se perfectionne à la technique du portrait, et notamment ceux d’anonymes, influencés par la technique du “snapshot”, c’est-à-dire: lumière ambiante/spontanéité/cadrage et composition chahutés/intérêt porté à des sujets anodins, quotidiens ou banals. L’aspect dramatique du noir et blanc convient parfaitement à son style (en effet, Diane Arbus photographie en couleurs, mais seulement pour la photographie commerciale.)
Diane Arbus s’inspire de la lecture d’un livre de Brassai - Le Paris Secret des années 30 - pour ses images, ainsi que des travaux d'August Sander et d'Eugène Atget.
Diane Arbus s’inscrit dans un courant photographique qu’avait inauguré un autre grand photographe américain, Walker Evans, qui avait imposé un style documentaire et urbain dans les années 30. Son style est également empreint de Weegee, (reporter photographe) dans l’utilisation du flash en plein jour.
Sa photographie est qualifiée de nouveau documentaire.
C’est après 1962 que Diane Arbus impose définitivement son propre style en utilisant uniquement le format carré du Rolleiflex.
En 1963, elle obtient une bourse de la fondation Guggenheim, qui lui permet de réaliser un travail remarquable intitulé « American Rites, Manners and Customs » sur les rites de la société US. Le résultat sera une vaste galerie de portraits d’Américains, pour la plupart inconnus, et qui met en exergue les rites sociaux de cette société. A travers ses portraits, Diane Arbus raconte l’Amérique des « freaks », mais elle est pleine de compassion pour ces “monstres” qui exercent sur elle une réelle fascination. Ses photos dérangent toujours, et apparaissent parfois comme insoutenables, comme celle de ce jeune garçon qui tient une fausse grenade.
C’est après 1962 que Diane Arbus impose définitivement son propre style en utilisant uniquement le format carré du Rolleiflex.
En 1963, elle obtient une bourse de la fondation Guggenheim, qui lui permet de réaliser un travail remarquable intitulé « American Rites, Manners and Customs » sur les rites de la société US. Le résultat sera une vaste galerie de portraits d’Américains, pour la plupart inconnus, et qui met en exergue les rites sociaux de cette société. A travers ses portraits, Diane Arbus raconte l’Amérique des « freaks », mais elle est pleine de compassion pour ces “monstres” qui exercent sur elle une réelle fascination. Ses photos dérangent toujours, et apparaissent parfois comme insoutenables, comme celle de ce jeune garçon qui tient une fausse grenade.
Pour l’anecdote : elle devient un mythe dans l’histoire de la photographie contemporaine, et acquiert une cote exceptionnelle auprès des collectionneurs. La photo du petit garçon tenant une grenade a été adjugée pour 80 000 $ en 2005.Après une première exposition au Muséum of Modern Art de New York en 1964, elle enseigne à la Parson’s school of Design. En 1966 elle se voit accorder une deuxième bourse de la fondation Guggenheim.
En 1967 elle est sélectionnée par le conservateur photo du MoMA, John Szarkowski, et elle accède à la notoriété avec une deuxième exposition qui s’intitule « New Documents », aux côtés de Gary Winogrand et Lee Friedlander. Là encore, son travail apparait comme un évènement qui contribue à imposer la photographie documentaire comme un genre artistique propre, se distinguant du reportage. «Leur but a été non pas de réformer la vie, mais de la connaître», écrit Szarkowski. Elle entamera ensuite un projet sur les handicapés mentaux (1969)
Dépressive, elle se donne la mort chez elle en avalant une quantité importante de barbituriques, et en s'ouvrant les veines en 1971.
Son influence sur la photographie américaine est considérable. Elle a contribué à imposer l'idée que la photographie est un art à part entière. Elle travaillait en noir et blanc et développait elle-même ses travaux afin d'en maîtriser complètement le résultat.
Diane Arbus concentre son activité à New York et ses alentours, photographiant des inconnus dans la rue. Ses lieux de prédilections : les parcs, squares, champs de foire, ces espaces publics, en plein air ou en intérieurs (clubs, cinémas, grands magasins). Elle est rarement la femme d’une seule prise, ses planches-contacts en témoignent, et elle n'hésite pas à mettre en scène elle même ses photos. En effet, elle obtient de faire poser ses sujets, ne cherchant jamais à voler les images, tout en gardant une forme de spontanéité. Elle croit à "l’enregistrement du réel", et s'en rapproche lorsqu'elle abandonne le format rectangulaire du Nikon-F pour le format 6x6 du Rolleiflex. Cet appareil a un viseur au niveau de la taille a permis à Arbus de se relier à ses sujets d’une manière différente, et non plus simplement au niveau du regard. Arbus a également expérimenté avec l'utilisation des flashs en jour, lui permettant d'accentuer et séparer ses sujets du fond. Le flash puissant écrase les visages et les matières, rompant avec une tradition humaniste du portrait, tout en respect et suavité. Le format 6X6 permet à la fois une neutralité du cadrage, fourni un allongement carré, une résolution plus élevée d'image. La photographie en rue, enfin, connecte ces personnages à la ville, au réel, et fournit une somme de détails et de situations que le studio aurait inévitablement gommé.
"Le sujet est plus important que la photographie"
Son œuvre, comporte cinq cents images sur l’ensemble de sa carrière, ce qui est très peu, néanmoins elle reflète le regard d’une artiste qui exprime la rébellion face au milieu social dont elle est issue. Les œuvres les plus connues de Diane Arbus, sont celles où figurent les personnages principaux et récurrents de son univers, hors normes ou marginaux, délaissés, phénomènes de foire ou excentriques : des travestis, des malades mentaux, des jumeaux, des nains ou des géants, des nudistes, etc. Mais son travail, souvent qualifié de "morbide" à cause des sujets évoqués, est pourtant plein de poésie et d'espoir, malgrè la détresse humaine et la solitude qui s'exprime sur les visages
«J’aimerais photographier tout le monde»
Elle saisit l’arrogance des fortunés, la résignation des démunis, l’insolence des paumés du sexe.
Ils sont les acteurs d’un monde à part d’où ils posent avec leur physique transformé, déguisé, dénudé, occasionnellement ou définitivement difforme. Les portraits serrés ou en pied ne prétendent pas révéler une vérité du sujet, c’est le spectateur qui est invité à entrer dans cette scène en choisissant d’identifier ce qui le différencie ou ce qui le rapproche de ces personnages. Pour Diane Arbus, la métamorphose physique participe parmi d’autre chose au sujet photographié. Ses images sont singulières, obsédantes; elles interrogent sur l'identité de ces "icônes" hors du commun.
Diane Arbus s'intéresse à cet autre visage de l'Amérique, celui qui inquiète, qui perturbe, et que l'on ne regarde pas en face pour éviter de voir qu'il existe. Comme dans "Freaks" de Tod Browning (1932), c’est le regard qui compte. Sa tendresse sans concession qui fait de ce drôle de genre, un genre humain. On connaît le travail de Diane Arbus autour de ce qui est rare voire exceptionnel, différent voire “anormal” Donc forcément ancrée de souffrance dans son appel éperdu de respect. De tolérance. On se souvient à ce propos de ce que clame John Hurt alias John Merrick tout au long du magnifique “Elephant Man” de David Lynch (1980) : “Je ne suis pas un animal, je suis un être humain.” Ici aussi, chez Diane Arbus, dans la violence du contraste du noir et du blanc, la différence aurait donc bien quelque chose à nous dire de l’humain et de son humanité. Et que ce n’est pas l’aspect physique qui est monstrueux mais bien le regard que l’on peut y porter.
En mélangeant le familier avec le bizarre, Diane Arbus dresse un portrait troublant de l’Amérique des années 60.
A ne rater sous aucun prétexte.
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DIANE ARBUS - Jeu de paume, 1, place de la Concorde, 75008. Jusqu’au 5 février.
Rens. : .
* Catalogues réédités par La Martinière-Jeu de Paume, et biographie de Violaine Binet chez Grasset.
* Citations extraites de «Diane Arbus, une chronologie», éditions la Martinière, 232 pp., 25 €.
* à lire dans Télérama
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